Cette matrice d’affaire « canvas » permet de construire le modèle d’affaire d’une manière moins traditionnelle, mais très efficace.
La matrice d’affaire est un outil, utilisable dans toute création de projet, pour représenter les différentes parties du projet. Cette matrice (tableau), répartie en différentes cases, va permettre à toute personne impliquée dans la mise en place d’un nouveau projet, de mieux comprendre les enjeux liés, que ce soit à l’interne ou à l’externe.
Ainsi, après avoir défini la nature du projet, le porteur de projet pourra ajuster sa stratégie au fur et à mesure qu’il remplira les cases.
Aperçu
Utilisée dans le management de projet, d’entreprise, la matrice d’affaires est une représentation sous forme de tableau, des activités, des partenaires, et des autres parties vitales de tout projet. Le modèle Canvas est une nouvelle forme de représentation des modèles d’affaires.
Le modèle d’affaire est un document qui permet d’identifier la valeur ajoutée de l’entreprise (ce que l’entreprise offre et permet de faire de la valeur avec), ainsi que la relation de cette dernière entre les parties prenantes (partenaires, fournisseurs, etc.). Tout cela dans un contexte bien particulier, dans le but de montrer sa fiabilité stratégique au niveau de sa rentabilité.
Cependant, il ne faut pas le confondre avec le business plan, qui lui traite plus de la viabilité financière pure du projet, de l’entreprise et d’investissements projetés. Ils forment, avec d’autres, les documents créés lors de la constitution d’un projet, pour la demande de financement par exemple.
Le modèle Canvas est donc un type de modèle d’affaires.
Cette matrice a été proposée par Alexander Osterwalder (entrepreneur et chercheur suisse) au milieu des années 2000. Par le biais de la société qu’il a co-créé Strategyzer (compagnie qui donne des outils pour l’innovation, le management) il publie des livres sur ce modèle et d’autres concepts liés.
Elle est particulièrement appréciée par sa simplicité de compréhension. Elle est formée par 9 cases, qui peuvent être séparées dans des catégories différentes, lors d’une étude plus approfondie de cette matrice. En effet, des liens entre certaines cases peuvent être séparés des autres, pour un focus sur une catégorie.
Tout d’abord, le lien entre le problème du consommateur (ce qu’il veut, ce qu’il a besoin comme produit ou service) et la solution (la « proposition de valeur » de l’entreprise). Autour de ce lien, il y a la distribution et la relation client (ce qui entoure naturellement un lien entre un utilisateur et son fournisseur). Par ailleurs, cette relation est au cœur de cette matrice (car elle est au centre de l’existence du projet).
Ensuite, il y a les éléments clés, nécessaires pour fournir cette solution (« proposition de valeur »).
Finalement, il y a l’aspect financier, avec les coûts et les revenus.
Autre que sa facilité de compréhension, ce modèle est aussi facile à être utilisé par une équipe. L’idée étant d’imprimer à grande échelle ce tableau de 9 blocs, pour pouvoir les remplir (avec des post-it notamment). C’est un outil à être utilisé lors des brainstormings, les workshops ou autres rencontres similaires.
Étude
Cette matrice se compose donc en 9 blocs, et peut être séparée en 3 catégories :
1ere catégorie : le cœur, la rencontre entre l’offre et la demande
Si vous êtes familiers avec des concepts économiques, vous savez que le cœur de l’économie est la rencontre entre l’offre (les biens et les services offerts par une identité) et la demande (ce que les personnes demandent comme bien ou service).
- 1er bloc :
Segment du consommateur : c’est le besoin, le problème exprimé par le consommateur que l’on veut satisfaire. Pour cela, il faut faire une analyse de qui est le consommateur, quel est le segment sur lequel l’on va se concentrer. On va donc répondre à la question : pour qui est-ce que l’on crée de la valeur ? Cela peut être une niche, la grande distribution, etc.
- 2ème bloc :
L’autre case directement reliée à cette dernière, est la case « proposition de valeur » . C’est la « valeur » (le produit/service) que nous voulons délivrer à ce segment de consommateur. On va alors se concentrer sur quel problème nous voulons apporter une solution. Cette solution peut se caractériser par un prix plus bas, une meilleure qualité, une nouveauté, etc.
Le remplissage de cette case en premier puis la case « segment du consommateur », ou inversement, dépend de notre stratégie. Si elle est « push » (« proposition de valeur » en premier) ou si elle est « pull » (« segment du consommateur »).
Par ailleurs, comme dit précédemment, cette relation est au cœur du modèle d’affaire, car elle définit l’existence même du projet en question. Un focus sur ces deux cases est étudié dans le concept « Value proposition design », créé par le même auteur.
- 3ème bloc :
Entre ces cases, il y a tout d’abord la « relation client ». En effet, il ne peut pas y avoir une bonne relation entre l’offre et la demande sans le remplissage de cette case. On va essayer de comprendre quel type de relation le client en question veut avoir avec nous, et la maintenir. Il faut aussi se poser la question de sa pertinence avec le reste du modèle.
Si, par exemple, nous vendons en ligne, la relation sera différente que si nous possédons des boutiques physiques, ou si l’on procède à des ventes directes ou indirectes.
Le coût logistique de cette mise en relation est également important et à prendre en considération. Elle sera là aussi à mettre en perspective avec le reste de la matrice, selon la stratégie de coût adopté (solution low-cost, avec des services automatisé, ou premium, avec des services sur mesure, par exemple).
À retenir que cette relation client peut être dirigée par une envie de rétention ou d’acquisition de client.
Pour une bonne relation client, on pourra créer une communauté, un programme de fidélité, etc. Cela permettra une bonne relation entre l’offreur et le demandeur, un bon feed-back.
Il faut donc maximiser la satisfaction de l’utilisateur, ce qui passe aussi par une bonne relation client.
- 4ème bloc :
Ici, nous allons nous intéresser aux « canaux de distribution » de notre valeur vers notre segment de client. Cette case s’apparente à la case relation client », car elle se situe également entre l’offre et la demande. Elle contribue également à ce lien. Cette case est alors primordiale. Pour la remplir, nous allons nous poser les mêmes types de question que pour la case « relation client » : quel type de canaux nos clients attendent-ils ? Quels sont les coûts ? La stratégie de distribution, s’aligne-t-elle au reste du modèle d’affaires ? etc.)
Il y a 5 questions à répondre lors de la constitution de la stratégie de distribution.
Sensibilisation : comment faire connaître notre solution ?
Évaluation : comment les utilisateurs vont pouvoir évaluer notre solution, et ainsi permettre son amélioration par des ajustements
Achat : comment le consommateur va pouvoir acheter notre solution
Distribution : comment on va délivrer notre produit logistiquement parlant
SAV : comment on va délivrer un SAV à nos clients (en lien avec la case « relation client »)
Quelques informations complémentaires :
Plus la vente est complexe, par la complexité du produit/service lui-même, et plus on tend vers une distribution directe.
Plus le marché est large, plus il est géographiquement dispersé, éclaté, et plus on tend vers une distribution indirecte.
On parle d’intégration quand toutes les cases répondent à un même tout, c’est-à-dire qu’il y a une cohérence au niveau stratégique.
Cette première catégorie, qui représente le cœur de la matrice, est la partie « désirabilité ». En remplissant ces 4 cases, on répond à la question, « est-ce que les consommateurs vont acheter cette solution ? ». Tout commence par cela. Avant même de passer aux étapes suivantes, il faut découvrir quelle solution le consommateur est prêt et à besoin d’utiliser, et comment je vais pouvoir lui offrir cette solution.
Cependant, il faut différencier ici le défi de distribution de cette « proposition de valeur », c’est-à-dire comment je vais relier directement l’offre et la demande (par quels canaux), et le défi de production, création de cette « proposition de valeur » qui vient en amont de la distribution pure. On va alors essayer de répondre à la question « est-ce que l’on peut délivrer cette solution ? » (il faut comprendre, est-ce que l’on arrive à créer cette solution, est-ce faisable ?). Elle vient naturellement après la catégorie désirabilité, car il faut savoir de quoi on parle, en tant que produit/service.
2ème catégorie : la faisabilité du projet
Donc cette catégorie de faisabilité, on parle d’éléments « clés » que nous devons posséder pour nous permettre de « délivrer », produire cette solution.
Parfois, on se réfère à cette partie de la matrice comme « infrastructure », car elle définit comment notre entreprise est structurée, à l’interne (activités, ressources) et à l’externe (partenaires).
- 5ème bloc :
Définir ce que le porteur de projet a besoin d’avoir, de faire, comme « activité clé » pour que le projet fonctionne, pour pouvoir délivrer la solution. Ces activités sont très souvent, dans le cadre d’une entreprise, les différents départements qui la composent (marketing, RH, etc.). Selon la stratégie générale, qui dépend elle-même du produit/service que l’on veut distribuer, on va se focaliser sur certaines activités.
Par exemple, Stabilo va se concentrer sur l’activité du supply chain (logistique), car étant un fabricant à grande échelle, elle va vouloir réduire ses coûts de production et distribution (économie d’échelle) pour avoir le plus de rentabilité possible. Ces activités seront alors les activités clés pour délivrer la « proposition de valeur », alors que d’autres départements, comme les RH, le marketing, seront importants, mais ne seront pas des activités clés.
- 6ème bloc :
Les « ressources clés » sont toutes les ressources nécessaires pour garantir la production de la solution. Ces ressources sont financières, humaines, infrastructures, et intellectuelles (marques, brevets, etc.).
Souvent, on fait mention de ces ressources comme les « actifs » d’une entreprise, et qui sont pour la plupart, prises en compte dans la valorisation d’une entreprise.
- 7ème bloc :
Les « partenaire clés » ressources externes à l’entreprise, contrairement aux deux précédentes. Ces acteurs vont permettre la création de la solution, grâce à leur expertise. Ils seront alors des intermédiaires, et vont ainsi permettre une externalisation (délégation) de quelques tâches.
Par exemple, une jeune start-up va externaliser la partie logistique à Amazon, pour pouvoir vendre en ligne et ne pas s’occuper de toute cette dimension, se focalisant ainsi sur les autres activités, qui seront ses activités clés.
Le partenaire peut aussi être complémentaire, et partager les missions/activités, sans quoi, on ne peut pas produire la solution finale.
Par exemple, Airbus est formé de nombreux partenaires complémentaires. Chacun s’occupe d’une partie spécifique de l’avion, car aucune de ces entreprises, ne peut réaliser l’avion à elle toute seule.
Les fournisseurs sont également des partenaires clés, même si l’on est dans une relation achat-vente classique, car ce fournisseur peut nous délivrer une ressource indispensable pour la réalisation de la solution finale.
Ce network permet de réduire les coûts et les risques pour l’ensemble des acteurs, tout en augmentant l’efficacité des activités.
Tous ces éléments clé, internes comme externes, vont permettre la réalisation de la solution voulue.
Par ailleurs, il faut noter que l’utilisation du mot « clé » met l’emphase sur le fait qu’il faut se focaliser sur certains éléments plus que d’autres, pour un maximum d’efficacité. Aussi, cela veut dire que le succès du projet dépend de quelques éléments clés, et il faut donc les identifier.
Notion « cœur de savoir-faire » : c’est la frontière entre les partenaires, et les ressources + activités. En effet, l’externalisation est très souvent la meilleure option au niveau financier. Cependant, externaliser nos activités à un coût dans le long-terme. Quand on externalise, on partage les « secrets de fabrication » avec nos partenaires. Ils peuvent alors devenir nos concurrents.
Il y a donc un jeu à faire entre externalisation du savoir-faire standard, qui ne procure aucun avantage compétitif en tant que tel, et externalisation du savoir-faire secret, qui constitue notre ADN et est liée à notre « proposition de valeur ».
Par ailleurs, le ticket d’entrée sera plus ou moins grand selon l’externalisation (plus on externalise, moins le ticket d’entrée sera grand).
3ème catégorie : la viabilité financière
Après avoir identifié ces éléments clé et donc déterminer la faisabilité du projet, il faut pour conclure étudier la viabilité (financière) du projet. En effet, ce n’est pas parce que nous avons identifié un problème auprès d’un segment de consommateur, trouvé une solution à ce problème, et que la faisabilité est démontrée, que ce projet nous garantira une profitabilité financière. Aussi, il se peut que la solution soit viable sous certaines conditions, alors qu’elle ne le sera pas selon d’autres.
Dans cette partie « viabilité », on se concentre sur 2 blocs : revenus et coûts. Comme les blocs « segment du consommateur » et « proposition valeur », ces deux éléments sont la base de tout concept économique qui se rapporte aux entreprises et à leurs gestions financières. Les deux éléments sont indissociables, car la représentation complète de l’un dépend de l’autre. En effet, de forts revenus (chiffre d’affaires) peuvent résulter en une rentabilité négative, si les coûts y sont supérieurs.
- 8ème bloc :
Les « revenus » sont directement liés avec la « proposition de valeur » que l’on veut distribuer, ainsi que le segment de consommateur concerné. Ici, on se concentre uniquement sur l’argent entrant.
Pour le remplissage de ce bloc, on va déterminer comment on va recevoir de l’argent de la part des consommateurs. Le type de paiement va être en lien direct avec la solution proposée.
Que ce soit sous forme de prix unitaire, d’abonnement, d’offres gratuites, freemium, il faut qu’il soit en accord avec la « proposition de valeur ». À noter que ces différents types de revenus peuvent parfois cohabiter.
Par exemple : le service téléphonique est, sauf exception, sous forme d’abonnement. Il serait difficile de faire accepter un prix unitaire aux consommateurs.
Attention cependant, un choix de rupture (non-conventionnel) quant au modèle de revenue que nous voulons proposer, peut permettre un avantage concurrentiel. Un modèle créatif de revenus peut permettre aux utilisateurs de surmonter les barrières à l’adoption.
C’est pour cela que très souvent, vous pouvez constater lors du lancement de nouveaux produits, d’un stand d’essai gratuit.
Lors du remplissage de cette case, il faut toujours se poser la question « combien est-ce que mon segment de client est prêt à payer pour cette solution ? ». S’il s’agit d’une innovation que l’on n’a pas de concurrents directs pour faire des comparaisons, il y a toujours la possibilité de prendre des concurrents indirects, dans d’autres parties géographiques par exemple, et de créer un modèle comparatif à partir de là. Il y a aussi des interviews à mener, avec des professionnels du secteur, ou des consommateurs.
Pour répondre à la question de la viabilité du projet, il faut maintenant ajouter les coûts structurels à ces revenus, pour voir si une profitabilité se dégage.
- 9ème bloc :
« Structure des coûts » : les questions à se poser ici ont pour objectif de déceler les coûts les plus importants, et de voir si l’on peut les diminuer. On va également se reporter sur les activités et les ressources clés, et voir quelles sont les plus coûteuses, pour les optimiser. Ces coûts seront naturellement présents dans le projet. Il faut ainsi déterminer si ce projet est :
- « Axé sur les coûts », c’est-à-dire que la réduction des coûts est un élément principal. On va vouloir automatiser, rationaliser, et offrir donc une solution « low-cost », qui attendra une plus large population, mais qui sera caractérisée par une qualité moins importante et une standardisation plus importante.
- « Axée sur la valeur », qui est à l’opposé. Ici, la « proposition de valeur » est caractérisée par une qualité supérieure, par un service personnalisé, mais cela a un coût, qui sera répercuté sur le prix de vente.
En ce qui concerne le type de coût, il en a principalement 3 :
Les investissements (dans des propriétés intellectuelles, infrastructures, et autres); Les coûts fixes; Les coûts variables.
D’autres coûts sont suggérés, comme les coûts liés à une économie d’échelle ou ceux liés à une économie d’envergure, « scope » (diminuent selon l’externalisation faite).
La viabilité économique est atteinte au point mort (où les revenus générés par le projet sont égaux aux coûts engendrés par ce dernier).
Opinion
Le business model Canvas est un outil primordial, car il permet de manière très simple, voir tous les composants nécessaires lors de la constitution de tout projet. Il permet de voir l’articulation entre ces différents composants, et de permettre des ajustements nécessaires très facilement.
Cette matrice permet de passer d’une conception « d’étape obligatoire », vers une étape voulue, car elle nous aide de manière simple et logique. De manière générale, elle apparaît naturellement à l’esprit (visuellement) dans la constitution de tout projet, et c’est en cela que cette matrice révolutionne.
Par ailleurs, elle est pertinente car elle sert à tout projet, et non pas seulement à des projets d’entreprises. Que ce soit à la naissance d’un projet, ou à l’amélioration d’un projet en place, cette matrice à toute sa place.
Conclusion
Le business model Canvas est l’une des plusieurs représentations, forme de modèle d’affaires. Cet outil est particulièrement intéressant, car il facilite ce travail, (passage souvent obligatoire, comme le business plan), par sa clarté et sa facilité d’utilisation.
Cette matrice, permet de répondre à 3 questions fondamentales :
- Est-ce que la solution que l’on propose est désirable, par le segment de consommateur que l’on veut atteindre ? Cette solution est-elle faisable ? Finalement, ce projet est-il profitable ?
Après avoir constaté la désirabilité du projet, on va étudier sa faisabilité. On va alors voir si nous avons les partenaires ainsi que les ressources et réalisons les activités clés nécessaires à produire et proposer cette solution.
Finalement, nous allons voir si ce projet, même étant désirable et faisable, est viable au niveau financier. Pour cela, nous allons soustraire des revenus, les coûts associés au projet. Si les revenus sont supérieurs, alors le projet est rentable et donc viable.
La constitution de cette matrice permet à toute partie prenante, ainsi qu’au porteur de projet, de voir l’ensemble du projet et d’affiner la stratégie.
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